Clés, première tentative

Le sax soprano en sib que je vous avais présenté posait un petit problème : le trou du do (le plus bas, voir les photos déjà publiées), était trop éloigné du trou du ré. De ce fait, le jeu n'était pas très pratique, surtout sur des passages un peu rapide. Il a donc fallu lui ajouter une clé.

Introduction

Pour fabriquer la dite clé, j'ai réfléchi un bon moment sur les solutions envisageables. J'ai commencé par vouloir, pour des raisons esthétiques, et aussi parce que le matériau était disponible, réaliser cette clé en bambou. Très rapidement, je me suis rendu compte que la mécanique serait de taille conséquente, car pour que le bambou reste résistant, il faut que les pièces réalisées possèdent une épaisseur minimum. Or ici, la clé doit rester relativement petite, car la place entre le trou du DO et le trou du RÉ n'est pas si grande que ça.

Une autre contrainte était que cette clé est pour moi un proto. Je suis en train de fabriquer une autre sax en SOL, donc plus grand, qui va nécessiter un système de clétage beaucoup plus sophstiqué (notamment, une des clés doit pouvoir en fermer une autre automatiquement). La complexité du mécanisme de ce nouveau sax interdira de toutes façons de réaliser le clétage en bambou.

À partir de là, les solutions de sont pas nombreuses, et le plus simple est de s'inspirer du clétage des vraies clarninettes et des vrais saxs, et donc de réaliser le clétage en métal (Argl ! braser à l'argent, j'ai jamais fait ça).

Choix des matériaux et techniques d'assemblage

À partir du moment ou on veut construire des mécanismes par assemblage de pièces métalliques, on a pas 36000 solutions possibles :

  • vissage des pièces
  • serrage par collier
  • soudure
  • brasure

Le vissage et serrage engendrent vite des pièces volumineuses. De plus, ils entrainent aussi des problèmes de réglage (vis qui se désserrent…).

La soudure se réalise sur des métaux durs (acier…). Ces métaux sont lourds, ne se plient pas facilement, bref, fabriquer des formes un peu tordues est difficile. Et puis la soudure à l'arc réclame un matériel plus cher que la brasure, et faire de la soudure à l'arc sur des pièces aussi petites que des clés, ça ne doit pas être simple. Allez hop, solution éliminée.

Reste La brasure. Cela suppose l'utilisation de métaux tendres (cuivre, laiton, nickel, maillechort…). Le laiton se trouve facilement (les magasins de modèles réduits en vendent n plaque, en profilé, en barre, en tube…). Le nickel se trouve facilement aussi (il existe des sites vendant des fourniture de lutherie des instruments à vent qui vendent des tubes de nickel).

Tous ces métaux tendres peuvent se braser à l'argent. De plus, la brasure à 40% d'argent n'a pas un point de fusion trop élevé (aux alentours de 600°C), et peut donc se réaliser avec du matériel pas cher (une bête lampe à souder fonctionnant au mélange butane/propane coûte dans les 30€, en plus si vous avez déjà séché des bambous suivant la technique dont j'ai déjà parlé, vous devez en posséder une maintenant).

Une clé, quand on la relache, doit revenir en position de repos (ouverte ou fermée suivant le type de clé). Cela suppose qu'il y a un ressort pour rappeler la clé dans sa position d'origine. Pour cette clé, j'ai choisi d'utiliser un ressort plat en bronze phosphoreux (là encore, les magasins de modèle réduit en fournissent, surtout ceux qui sont spécialisés dans les trains électriques).

Principe

La clé à réaliser est une clé fermante, c'est à dire que quand on appuie sur la spatule de la clé, elle ferme le trou correspondant. Le principe est décrit dans le schéma suivant.

principe-cle.png
Figure 1 : Principe de la clé fermante.

La clé doit être démontable, pour pouvoir la réparer, la nettoyer, et changer le tampon. Pour cela, il existe dans les instruments traditionnels deux systèmes :

  • montage à charnière : la tige est un tube. L'axe est une vis qui traverse complètement le tube.
  • montage à tringle : la tige utilisée à ronde avec un fraisage conique à chaque bout pour recevoir les deux vis à pointe se vissant dans les paliers et qui constituent l'axe de la clé.

J'ai trouvé que le système le plus simple à réaliser était le montage à charnière. De plus, le rattrapage du jeu d'usure est plus facile à faire aussi.

Le ressort est un ressort à lame en bronze phosphoreux vissé dans le bras de la spatule de clé.

Matériaux et outillage

Les matériaux utilisés :

  • Pour le tube : tube en nickel, diamètre inérieur 2,01mm ;
  • Pour la vis traversante : tige de laiton ou d'acier de diamère 2mm ;
  • Pour les paliers et la spatule : laiton en plaque, épaisseur 2mm ;
  • Pour les différents bras : plat de laiton, section 5x2mm (vous pouvez aussi découper les bras dans la plaque d'épaisseur 2mm, mais franchement, 5mm de large c'est impeccable pour les bras et ça évite des découpes inutiles) ;
  • Pour la coupelle de tampon : plaque de laiton, épaisseur 1mm ;
  • pour le tampon et les butées : liège en plaques (2mm pour le tampon, un peu plus pour la butée de rappel, mais tout ça dépendra de votre clé) ;
  • 1 baguette de brasure à 40% d'argent ;
  • du flux de brasage (pour brasure à l'argent évidemment) ;
  • de la colle epoxy bi-composant (pour coller les paliers sur l'instrument) ;
  • de la colle contact (pour coller le liège) ;
  • Pour le ressort : du bronze phosphoreux en plaque, épaisseur 0.6mm ou 0.7mm (ne faites pas comme moi, j'ai commandé du 0.3mm et c'est trop faiblard, j'ai du en mettre deux l'un par dessus l'autre) ;

Outils :

  • un forêt diamètre 2 (pour percer le palier qui recevra la tête de vis) ;
  • un forêt diamètre 1,5 (pour percer le palier qui recevra la vis, et donc sera fileté) ;
  • un forêt correspondant au diamètre extérieur du tube que vous utiliserez pour la charnière ;
  • un jeu de tarauds M2 (pour fileter le palier qui recevra la vis) ;
  • un jeu de tarauds M1 (pour fileter le trou de fixation du ressort) ;
  • une filière M2 (pour fileter la vis) ;
  • une scie à chantourner avec lame très fine ou mieux, une scie de joailler (pour faire la fente de la vis) ;
  • une polisseuse (ou pour ceux qui ont une micro-perceuse, une roue de polissage en feutre) ;
  • une scie à métaux, et, pour ceux qui ont une micro-perceuse, un disque à tronçonner (vachement pratique pour raccourcir d'un chouia une pièce, ça va plus vite qu'à la lime) ;
  • une lime (pour mette en forme, faire des arrondis, etc...) ;

Pour trouver les tarauds M1 et M2 et la filière M2, ne cherchez pas dans votre castomerlin local, vous ne trouverez pas. Tous ces magasins commencent au M3. Les magasins de modèle réduit ont. Par contre ne jouez pas au pingre, achetez avec un porte filière et un tourne à gauche. Sur des diamètres et des pas aussi petits, c'est indispensable.

Montage

La première chose à faire, ce sont les paliers (on dit les boules, en facture d'instruments à vent, car habituellement ils ont la forme d'une boule).

Ils sont constitués de deux pièces de laiton brasées à l'argent (voir le schéma ci-dessous).

boules.png
Figure 2 : Boule supportant l'axe de la clé

Un des deux est percé au diamètre de la vis (ici 2mm), et recevra la tête de vis, l'autre est percé à 1,5mm de façon à le tarauder au pas M2. la tige de laiton servant de vis est d'un diamètre de 2mm et son extrémité est filetée au pas M2.

Une fois les boules réalisées et la vis ajustée (inutile de la couper tout de suite à la bonne longueur), il faut fixer les boules au corps de l'instrument. Actuellement je les colle à la colle époxy bi-composant. Il semble que cela soit un peu trop léger (j'en ai déjà une qui s'est décollée). Le problème est que vu l'épaisseur du bambou, il est impossible d'envisager un vissage. Je vais réfléchir à une façon d'obtenir des «griffes» sur le métal de façon a avoir une bonne accroche.

Il reste alors à réaliser

  • les trois bras (celui de la coupelle de tampon, celui de la spatule de la clé, celui de butée, servant à limiter la levée de la clé.
  • La coupelle de tampon
  • La spatule de clé

Les trois bras sont percés de façon à rentrer sur le tube servant d'axe avec un peu de jeu. Puis on brase à l'argent. La spatule et la coupelle sont brasées sur leur bras respectif. Pour ce qui est de la mise en forme des différentes pièces, le laiton utilisé est recuit, martelé, recuit, martelé, etc. Pour les «décorations» (biseaux, congés, arrondis, ...), j'ai fait ça à la lime et la à mini-meule. Les pièces sont ensuites polies. (bon, pour l'instant c'est encore un peu goret, j'avoue).

Voici quelques photos.

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